Entre 2 confinements. L’escalade finit à 4 pattes.

Une petite falaise près du Lac du Bourget. Une poignée de potes grimpeurs, liés par un groupe Whatsapp (bientôt ce sera fini, on dira tous « un groupe whatsapp… euh, Signal. pardon j’ai du mal à m’y faire), une falaise grise, un temps gris et une ambiance au bas des voies qui est loin d’être aventureuse. Chacun est venu avec dans son sac du saucisson, des graines et sa complainte habituelle en cas de non performance dans la voie.

  • Non mais avec le confinement aussi…
  • Non mais t’as vu ses biceps aussi ?
  • Non mais t’as vu comme il est grand aussi ?

J’aime grimper. J’aime performer en grimpe et en même temps j’essaie de développer un truc révolutionnaire : ne pas tenter de performer tout le temps et surtout ne pas faire de commentaires en redescendant de ma voie. Ou alors un commentaire neutre-positif :

  • Y avait des belles prises.
  • Ils adhèrent bien ces chaussons quand on pose bien les pieds.
  • C’était juste la bonne difficulté pour cette escalade.

Franchement vous devriez voir la tête des collègues quand je leur dis ça : perplexes, désaçonnés. Que répondre ? Rien. Respire, équipes-toi c’est ton tour. Profite du mouvement et du rocher. Ma façon à moi de simplifier le quotidien.

Ne pas respecter les codes de communication en vigueur dans une communauté, c’est une aventure en soi !

Mais la vraie micro-aventure du jour, elle arrive quand finalement je décide de faire un tour loin de la falaise. Trop de monde. Fatigué de me faire mâchouiller le cul en restant assis sur des cailloux pointus. La marche sur un chemin en forêt, activité de vieux ? Non très chers lecteurs, lisez-donc la suite !

Au début je kiffe : solitude, feuilles qui bruissent, souches et arbres moussus. Tout ça me remplit et m’apaise. Mais au bout de 10 minutes sur un chemin large et sans difficulté, je marche comme un automate, dans mes pensées.

  • Faudra que j’essaie de monter un serveur Discord pour réunir mes potes joueurs d’échec.
  • Est ce que je devrais changer la numérotation de mes factures d’auto-entrepreneur ?
  • Est-ce que j’ai fait mon rappel de vaccin tétanos il y a 5 ans ? Mon coupe-ongle est rouillé.

Fâcheux : je me retrouve citadin en forêt. Comme si je ramenais McDo et les vitrines d’annonces d’appart à 30k€ le mètre carré en isolation F juste là, entre le rocher moussu et le chêne pédonculé (Quercus Robur)

Me vient alors cette idée de génie… d’animal… de débile ?… Une idée à me faire remonter les talons sous les genoux pour basculer à 4 pattes (si vous ne savez pas de quoi je parle, allez voir l’anatomie d’un loup ou d’un chevreuil et dîtes moi où sont ses talons). Je suis sorti du chemin, droit dans les fourrés. C’était pas triste : des arbres, des cailloux, de la pente, des arbustes morts laissant derrière eux un squelette cassant de branches blanches enguirlandées de verdure. Croyez bien que dans mon envie de communion avec la forêt, je n’avais pas envie de passer comme un bourrin, debout, en m’accrochant partout et en grognant comme un voyageur se frayant un chemin gare Montparnasse.

Alors j’ai posé les mains par terre.

J’avais des pattes.

Métamorphose magique ! Mes pensées m’ont quittées pour laisser place aux sens. Le moelleux de la mousse sous mes coussinets. Ma vision s’est affûtée pour repérer l’itinéraire dans ce labyrinthe de verdure. Il y avait toujours un passage. Je comprends tellement mieux pourquoi les traces d’animaux ne font jamais de ligne droite ! Mon odorat s’est réveillé comme mon nez frôlait le sol remué par mes pas. La forêt qui était si ordinaire depuis le chemin était redevenue un lieu d’émerveillement alors que je me déplaçais ventre à terre. Le gamin en moi s’attendait à voir surgir une fée ou un kodama (Cf. Princesse Monoke de Miyazaki) à tout moment. L’animal en moi retrouvait ses crocs, et avec eux l’envie de mordre la vie à pleine dents.

Nouveau point de vue, ralentissement, développement des sens. Oh que oui  AhouuuuUUUUUUuuuuuu !

Il y a néanmoins quelques prérequis pour vivre une micro-aventure comme celle-ci :

  • Avoir gardé un esprit d’enfant
  • Être seul ou avec une meute qui aime sérieusement jouer (cf. ligne du dessus)
  • Ne faîtes pas ça à la saison des tiques

Chers vous, animaux à poils que vous le vouliez ou non, répondez à l’appel de la meute et jouez, jouez, jouez, nous sommes fait pour ça !

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